Eaux minérales oubliées de Rhône-Alpes (1ière partie)

Publié le par Julien Gonzalez

EAUX MINERALES OUBLIEES DE RHONE-ALPES
(1ière partie : Loire et Rhône)

SAIL-SOUS-COUZAN (Loire)

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L'histoire des eaux minérales de Sail-sous-Couzan racontée en 1923 par L.J. GRAS dans "Histoire des eaux minérales du Forez"

Pendant des siècles et des siècles cette station fut ensevelie dans l'oubli. De sa source minérale on n'avait conservé que le nom de Sail. A deux cents pas de la source,les sires de Couzan, au Xe ou XIe siecle, avaient fondé un prieuré. C'étaient de terribles hommes, ces sires de Couzan, les premiers barons du Forez. Les seigneurs de Saint-Chamond étaient les premiers barons du Lyonnais. Les seigneurs de Saint-Priest, dont dépendait Saint-Etienne, n'étaient que les seconds barons du Forez. La baronnie de Couzan s'étendait fort loin. Elle comptait, parmi ses châtellenies ou ses prévôtés, Boën, Chalain-d'Uzore et Arthun. Ses seigneurs portaient le nom de sires, comme ceux du Beaujolais. Une sirerie était une seigneurie supérieure. Maintes fois ces terribles féodaux eurent maille à partir avec leur suzerain, le comte de Forez, qui finit par mater ses turbulents vassaux.

Ils avaient bâti leur château sur le pie qui domine Sail, et tous les touristes vont visiter aujourd'hui ces ruines imposantes, les plus beaux restes de l'architecture militaire féodale du Forez. Du sommet du donjon, le guetteur découvrait toute la plaine. L'ennemi venant de Lyon ne pouvait, en débouchant en Forez, passer inaperçu.

Une légende enseigne que le château de Couzan fut assiégé par les Sarrasins. L'histoire ne remonte pas aussi haut. Mais l'archéologie a découvert que les murs du château, au couchant, sont de l'époque carolingienne. Or, les Sarrasins ont ravagé la France à cette époque, et d'ailleurs le château que nous connaissons, comme beaucoup de châteaux féodaux, remplaça sans doute une forteresse plus ancienne un castellum romain ou tour isolée, puis un château fort de la monarchie franque, qui n'était que la villa gallo-romaine fortifiée par des remparts.

Des Barbares, certainement, passèrent par là et se comportèrent en barbares, car – et c'est l'excuse de ce long préambule – la source de Sail fut perdue pendant le haut et le bas moyen âge. Par contre, le prieuré bénédictin, fondé par les sires de Couzan et placé sous la garde du château, étendit son ressort sur plusieurs paroisses, dont le curé était nommé par le prieur. Ce prieuré vécut jusqu'à la Révolution. Ses bâtiments étaient situés entre le Chagnon et le Lignon. Il n'en existe plus que quelques salles basses dans l'habitation de M. Moreau-Bertrand, ancien hôtel Cisternes, indépendamment de la partie ancienne, en style roman, de l'église actuelle, jadis chapelle du prieuré.

C'est dans ce pays ravissant qu'Honoré d'Urfé a placé les scènes du roman de l'Astrée, roman que personne ne lit plus, mais dont tout le monde parle. Ce n'est pas l'oeuvre qui a survécu à sa réputation, c'est la réputation qui a survécu à l'oeuvre.

La vallée du Chagnon et surtout celle du Lignon sont d'un pittoresque remarquable. Divers sites devraient être classés pour empêcher notamment la destruction des futaies séculaires, que les montagnards coupent de tous côtés depuis qu'on a ouvert la route de Vaux. Parmi ces sites, celui de Saint-Martin, marqué par une statue et une petite source, est l'objet d'une vénération, saint Martin ayant le pouvoir de faire marcher les enfants et même les grandes personnes impotentes. Il existe, en Forez, de nombreux lieux à la dévotion de saint Martin, et depuis le temps qu'ils existent il faut croire que saint Martin a beaucoup opéré, car la foi est toujours grande.

La houille blanche a motivé la construction de deux usines électriques, à Vaux et à Saint-Martin, pour l'éclairage des communes et la force motrice distribuée aux fabriques. Mais le paysage n'est pas déparé par l'industrie.

Une Grotte des fées, située à 1.500 mètres en amont dans la vallée du Lignon, semble bien rappeler les souvenirs moyenâgeux des sources minérales. On y a découvert de nombreux échantillons de silex taillés, et ces témoins de l'âge de pierre en disent long sur l'antiquité des habitants de ce lieu. Près de là, au-dessous de la grotte, s'exploite aujourd'hui la source de la Baume. Le mot Baume, dans les pays de langue d'oc, signifie grotte. Les fées, la Baume, l'eau minérale, quels éléments pour un récit de folk-lore !

Il faut peut-être en rabattre. Au lieu de Grotte des fées, il faudrait dire Grotte des fayes ou feyes, et fayes veut dire brebis. La grotte aurait servi d'amorce à nue galerie pour la recherche du plomb argentifère, au temps Des Blumenstein, concessionnaires des mines dans la région des Salles.

Mais la Baume est déjà loin de Sail, et c'est à Sail même que fut découverte, en 1612, la fontaine d'eau minérale, par un médecin de Montbrison, Claude de la Roue. Le fait a été rapporté par La Mure, son contemporain. On trouva une autre fontaine construite par les Romains et des médailles de plusieurs sortes, ainsi que le rapporte de la Roue, qui prétendait que ces eaux avaient été ensevelies sous les ruines qu'amoncelèrent les Goths.

La Mure paraît avoir connu les écrits de Claude de la Roue, fils d'un apothicaire de Montbrison, père d'une nombreuse famille, comme alors il y en avait tant. Quand il mourut, il n'avait pas moins de onze enfants vivants. L'un d'eux fut pharmacien à Saint-Galmier, l'autre à Perreux. Une de ses filles épousa mi chirurgien de Montbrison.

Ce serait un prieur de Sail, Dom Elziron de Damas, qui, vers cette époque, aurait recommandé aux habitants de ne boire que de l'eau minérale, lors d'une épidémie de fièvre maligne.

Notre bon Laprade, en 1778, a décrit cette source de Sail, à cent pas du village, dans un bassin de trois pieds en carré et autant en profondeur, dont les parois et le fond étaient enduits d'un sédiment ocracé. Ces eaux bouillonnaient, lançaient de petits jets de quatre ou cinq pouces. Froides, très limpides, « fort aérées », très riches en fluide élastique, elles faisaient parfois éclater les bouteilles. Leur “gratter” était agréable et de durée. Les bestiaux étaient extrêmement avides de cette boisson. Elle colorait en violet noirâtre le vin rouge.

Duplessy (1818) dit que les eaux de Couzan étaient les plus réputées du Forez après celles de Saint-Alban et de Saint-Galmier. Depuis quelques années, elles avaient acquis de la réputation et on commençait à construire des logements et des bains, dont Sail était entièrement dépourvu.

Le docteur de Viry fut nommé inspecteur de ces eaux, sur lesquelles il publia une notice en 1819, rééditée en 1833, d'après l'analyse faite par Tamain, pharmacien à Montbrison.

L'Annuaire de 1845 indique que la fontaine de Sail était connue sous le nom de Fontfort. Son débit était de quinze litres à la minute, et la température de l'eau de 13°. Sa réputation n'était pas en rapport avec les propriétés médicinales de cette eau contre l'atonie des viscères du bas-ventre, les obstructions et toutes les maladies qui en dérivent, contre les dépôts laiteux et les affections des voies urinaires. L'eau de Sail avait une grande .analogie avec celle de Spa.

La fontaine de Sail avait été affermée par la commune au docteur Lenfant, moyennant 1.800 francs par an. A l'établissement de bains on se proposait, en 1845, d'adjoindre un établissement de douches. En 1850, on comptait cinq cents malades payants et vingt indigents ayant fréquenté les eaux de Sail. Le préfet prit un arrêté, le 7 août 1854, pour la police de l'établissement. Les personnes étrangères à la commune payaient un abonnement de 4 francs pour les bains et les boissons, 10 centimes par litre d'eau en fournissant le récipient, 30 centimes par bouteille, verre compris, bouchée, goudronnée et revêtue du cachet de la source. Les habitants, comme partout, usaient de cette eau à volonté pour la boisson.

A ce moment, le fermier de la source et des bains, nommé Giraud, prit commercialement le nom de Couzan, pour désigner la station et son eau minérale. A la suite de procès entre exploitants de diverses sources, un arrêt de la Cour d'appel de Lyon, en 1890, décida que le nom de Couzan était dans le domaine public.

Gruner, en 1857, donna l'analyse communiquée à l'Académie de médecine. L'eau de Couzan est plus saline que celle de Saint-Alban, mais moins gazeuse, moins chargée de substances alcalines, moins énergique comme propriétés thérapeutiques.

On n'exploitait alors et même on ne connaissait que la Fontfort. La commune en retirait toujours un modeste fermage, le plus clair de ses ressources. En 1860, le fermier s'appelait Morel, et les malades étaient toujours au nombre de cinq à six cents chaque année.

En 1866, une seconde source fut découverte près du Chagnon, la source Rimaud. Elle était située – car elle a disparu – sur la rive opposée à l'emplacement de la Fontfort, et elle fut autorisée le 25 mai de ladite année. Le propriétaire s'appelait Dominique et habitait Paris.

M. Rimaud, filateur et maire de Sail (1860-65), parent du docteur Rimaud, de Saint-Étienne, eut l'idée de développer et d'embellir le village, d'en faire une véritable station thermale ; c'est lui qui fit planter les arbres des promenades et d'un petit parc appelé Bois-d'Amour, situé sur la rive gauche du Chagnon, à l'entrée des promenades ; c'est encore lui qui fit planter en boulevard la nouvelle route de Saint-Just, qui mit Sail en communication avec les villages situés dans la vallée du Chagnon.

A cette époque, il y avait à Sail six hôtels, deux établissements de bains particuliers en dehors de l'établissement communal, et un hôtel donnant des bains d'eau minérale. En outre, de nombreuses maisons particulières avaient des chambres meublées et tenaient pension pour les baigneurs. Les prix de séjour en ce qui concerne l'hôtel et les pensions étaient des plus modérés, allant de 2 fr. 50 à 3 francs par jour. Il y a trente ans, on ne payait encore dans les hôtels du village que 2 fr. 75 à 3 francs tout compris.

Malheureusement, ces hôtels ne voulurent pas se mettre au goût du progrès moderne, et peu à peu la clientèle élégante cessa de venir à Sail, surtout depuis l'ouverture de communications faciles avec Vichy. Seul l'Hôtel des Roches, fondé peu de temps après la guerre de 1870, conserva une fréquentation choisie.

    La disparition de la Fontfort, qui ne permit plus de donner des bains d'eau minérale et de prendre l'eau en boisson, fit complètement disparaître la station thermale de Sail, qui ne fut plus qu'un séjour de cure d'air et de repos. L'écrivain Mario Proth, dans son livre Au pays de l'Astrée, publié en 1866, à Paris, a décrit d'une façon plaisante son séjour à Couzan :

 

Une. plume industrielle vous racontera un jour ou l'autre le confortable des chambres balnéaires, la disposition savante des robinets, les mystères de I'inhalation du gaz carbonique par des tuyaux en caoutchouc que nous vîmes un tas de braves gens se fourrer pieusement dans le nez ou Ies oreilles, la réjouissante variété des douches, les horizontales, les verticales, les obliques, les droites, les courbes en pluie, en délute, en bruine, en vapeur, celles qui inondent et celles qui caressent, les brutales et les insinuantes, le gros gazomètre étalant sa rondeur sous un kiosque de chaume, la machine à vapeur tracassière et bruyante, semblable à ces ménagères qui ne sauraient laisser à leurs domestiques un instant de repos, poussant et affolant de ses cinquante bras. qui sons cinquante chaines, cinquante mécaniques qui poussent et affolent cinquante bananes libres; les complications de l'embouteillage, les ingénieuses préparations de la limonade de Couzan, le petit chemin de fer sur lequel roulent et crient de petits chariots, qui emportent I'eau merveilleuse jusqu'à une grande voiture, qui l'emporte aux grands chemins de fer qui la distribuent aux quatre points cardinaux.

 

Les frères Dominique étaient de grands entrepreneurs de travaux publics, chargés de la construction de la ligne de chemin de fer de Saint-Étienne à Clermont. A cette occasion, ils vinrent à Sail et voulurent reprendre les projets Rimaud. Dans ce but ils creusèrent une nouvelle source, qu'ils affermèrent à M. Brault père, et ils attirèrent l'attention, sur la station de Sail, de diverses personnes capables d'en faire le lancement.

Peu de temps avant la guerre de 1870, le prince de Croy était venu à Sail avec Henri Lasserre, l'historiographe de Lourdes ; ils voulurent acheter la grande prairie située entre le Chagnon et le Lignon, où ils projetaient de construire un grand hôtel, un établissement thermal et un casino : les exigences des propriétaires de cette prairie et celles d'autres propriétaires ne leur permirent pas d'acquérir les terrains, et les projets de création d'une station thermale furent abandonnés.

A la même époque, le médecin-inspecteur des eaux de Couzan, parent des frères Dominique, le docteur Gouin, auteur d'une monographie sur les eaux de Couzan, fit réparer l'établissement communal dans sa forme actuelle, et y installa divers traitements nouveaux. C'est là notamment qu'il fit les premiers essais des bains carbo-gazeux, qui ont été ensuite installés à Royat et à Spa.

Le docteur Gouin, qui avait de nombreuses relations à Paris, aurait peut-être réussi ce que le prince de Croy et Henri Lasserre n'avaient pu faire, mais il se trouva arrêté par le faible débit des sources existant alors.

Le 28 juillet 1872, le docteur Bertrand (Gilbert) était nommé inspecteur de Sail-sous-Couzan. Le 18 novembre 1873, le Gouvernement de l'Ordre moral le révoquait de ses fonctions, à cause de ses opinions politiques. Il ne fut réintégré qu'après le 16 mai, le 15 janvier 1878. Auteur d'une notice sur les eaux minérales de Sail, où il exerça la médecine pendant de nombreuses années, maire de cette commune, conseiller général du canton de Saint-Georges-en-Couzan, le docteur Bertrand, mort en 1911, découvrit en 1885 la source de la Baume, autorisée le 18 janvier 1887, et qui reçut le nom de Bertrand en 1902 (arrêté ministériel du 17 juin).

C'est à partir de 1876 que se poursuivit à Sail une campagne opiniâtre de creusements, qui dura plus de trente ans. Chaque propriétaire fonça des puits dans son terrain, puits plus profonds que ceux du voisin, ce qui réduisait le débit des sources en exploitation. De là, bien des procès ou des contestations.

En 1876, une source fut découverte dans le lit du Chagnon et nuisit à la Fontfort. Cette source n'existe plus.

En 1877, M. Espézy exécuta des sondages dans la cave du bâtiment de la Poste. La source qu'il découvrit fut autorisée le 28 mars 1884. Elle n'existe plus.

Sur l'autre rive du Chagnon, M. Bayon découvrit une source qui fut autorisée le 12 décembre 1878.

La Municipalité fit alors approfondir la Fontfort, dont le débit reprit sa valeur. Elle demanda la déclaration d'intérêt public, qui ne lui fut pas accordée.

En 1880, le fermier de la Fontfort et de la source Rimaud était M. Brault père, ancien employé de la Banque de France à Saint-Etienne, établi banquier à Boën. Mandataire de M. Dominique, de Paris, il releva la situation financière et découvrit de nouvelles sources. C'est son fils qui dirige aujourd'hui l'exploitation. La source Nouvelle, ou source Brault, fut autorisée le 11 mars 1884.

Mais, en 1885, M. Bayon creusa un nouveau puits, sur lit rive droite du Chagnon, en amont de la Fontfort, qu'il appela source Edith, laquelle n'eut pas d'existence administrative. M. Brault riposta., fit des assèchements qui épuisèrent Edith. La rivalité Bayon-Brault s'éteignit par la fusion. Les sources Baron avaient été mises en Société par actions au capital de 300.000 francs, en 1878, avec le concours des verriers de Givors, MM. Neuvesel et Momin. M. Bayon étant mort, M. Courbière lui succéda comme gérant de cette Société. M. Courbière voyant l'impossibilité de travailler utilement, par suite de la lutte de forages qui se poursuivait entre son groupe et le groupe Brault et Dominique, négocia la fusion des deux Sociétés, qui devinrent la “Société générale des eaux de Couzan, Brault, Courbière et Cie”.

En 1885, M. Chanal découvrait une source dans la cour de son habitation, près de la Fontfort, et demandait l'autorisation. Cette source n'existe plus.

En 1886, le 11 septembre, furent autorisées les sources Baron A, Baron B, Baron C, appartenant à M. Baron. En 1887, M. Gavell, à Paris, administrateur-délégué de la Société française du bassin de Vichy, acheta les sources Baron au liquidateur de la Société Charles Baron et Cie, qu'il exploita sous le nom de Grandes Sources. En 1897, ces sources furent mises en Société. On dénomma Grande Source la source A, Baron la source B et Borda la source C. Une déclaration fut faite en conséquence. Le directeur de la Société fut, jusqu'en 1920, M. Auguste Laplace, ancien directeur des eaux de Condillac.

A l'exposition de 1889, les sources Brault et Rimaud reçurent des médailles de bronze. Le rapport signalait qu'à l'établissement de M.M. Brault et Courbière, l'embouteillage avait lieu près du griffon. Les bouteilles se remplissaient au moyen de robinets adaptés à droite et à gauche dudit griffon. Elles étaient bouchées immédiatement. L'amélioration du procédé employé consistait en ce que les robinets amenaient l'eau minérale dans le cône même de la machine à boucher.

La Société Brault, Courbière et Cie reprit en 1892 le fonçage de la source Édith, et obtint la source Brault n°2 qui fut autorisée le 24 mai 1895. Une source Brault n°3, découverte en 1898, fut autorisée le 13 août 1900. Cette année-là, M. Francisque David, le riche fabricant de velours de Saint-Étienne, découvrit un filon d'eau minérale dans sa propriété, près de la gare, du côté opposé à la route qui mène au village de Sail. Les demandes d'autorisation d'exploiter n'ont, jusqu'à présent, pas eu de suite. La source appartient aujourd'hui à M. Moreau.

Le puits Gatier fut creusé en même temps que le puits de l'Astrée, entre les années 1905 et 1907. L'analyse et les formalités d'autorisation furent effectuées par le docteur Florence, professeur d'hydrologie à la Faculté de médecine de Lyon.

Au cours de ses études, le docteur Florence remarqua un filon, tout à fait distinct de celui de la source Gatier, qu'il trouva fort remarquable, à cause des sels arsenicaux qu'il présentait. Il fit autoriser ce filon à part, sous le nom de source Julien.

Le forage d'une autre source, I'Astrée, fut poussé jusqu'à la faille qui amenait l'eau de la source communale, la Fontfort : ce forage amena l'assèchement définitif de la source communale, qui, depuis, est fermée et ne peut plus être l'objet de nouvelles recherches, à cause de l'établissement d'un périmètre de protection interdisant tout nouveau forage dans le quartier.

La Société Brault introduisit alors, en effet, une demande de reconnaissance d'intérêt public, qui reçut satisfaction, malgré l'opposition de la commune, pour la source n° 3, par le décret du 22 avril 1908, lequel a fixé un périmètre de protection de 175 mètres de rayon.

La source de l'Astrée fut autorisée le 6 avril 1908 à MM. Espézy et Passel.

Après avoir obtenu l'autorisation (28 janvier 1909 pour la source Gatier, 1er mai 1909 pour la source Julien), la Société fondée par M. Gatier demanda également la reconnaissance d'intérêt public. La Commission d'enquête conclut que l'exploitation était encore trop récente et que ces sources bénéficiaient, par leur situation, du décret d'intérêt public accordé à leur voisine.

La Fontfort, jusqu'en 1908, avait été amodiée à M. Brault. Elle fut louée, en 1909, à la Société Gatier, pour dix-sept années.

Cela fait au total quatorze sources découvertes dans Sailsous-Couzan ! En 1913, n'étaient exploitées que les sources Brault 2 et 3, les sources Gatier et Julien, les trois sources Baron et celle de la Baume. Cette année-là, Sail, qui ne compte presque plus de baigneurs – depuis longtemps – mais qui compte encore des touristes, a expédié plus de 10 millions de bouteilles et se classait, sous ce rapport, immédiatement après Saint-Galmier.

La Société générale des eaux minérales de Couzan (source Brault), Société anonyme, a remplacé, en 1905, l'ancienne Société en commandite par actions, fondée en 1886. Son capital (900.000 francs), divisé en actions de 500 francs, représente les apports totaux des Sociétés Brault et Cie, Courbière et Cie.

J'ai visité ces établissements. Les bouteilles subissent un trempage dégrossisseur dans des roues trempeuses tournant dans des bacs remplis de l'eau du Lignon (l'eau des Muses). Elles sont passées entre des brosses cylindriques arrosées, puis placées sur des jets d'eau avec pression, rincées mécaniquement à l'intérieur avec de l'eau, stérilisées par les rayons ultra-violets. Les bouchons sont desséchés par la vapeur, dans le but de détruire les cryptogames et autres impuretés. Le remplissage et le bouchage se font mécaniquement au fond de la fosse. Les bouteilles sont ensuite bridées, étiquetées et emballées.

    Les établissements Gatier et Julien sont séparés des bâtiments Brault par la route de Saint-Just-en-Bas. Leurs ateliers, magasins, entrepôt à la gare – entrepôt contigu à celui de la source Brault – sont importants. Le débit de la source Gatier est très considérable : 90 litres à la minute. L'exploitation est tout à fait moderne et se fait au moyen de pompes électriques puissantes. La Société des sources Gatier et Julien, anonyme, au capital de 450.000 francs, est fermière de la Fontfort et des bains communaux. Ces bains ont été fermés pendant la guerre et rouverts seulement le 8 avril 1920. C'est un établissement d'une vingtaine de cabines, un peu vieillot. Le bâtiment est symétrique, avec un corps central et deux ailes en retour encadrant un petit parterre. La vieille Fontfort, au centre de toutes ces nouvelles sources, qui, à l'exception de la Baume, sont les unes sur les autres, gît entourée d'une grille. Elle a trois siècles d'existence ! On n'y tire plus de l'eau. Mais la Société Gatier et Julien, amodiataire, distribue gratuitement, pour ce motif, l'eau d'une de ses sources aux habitants, par une fontaine placée à l'angle de l'un de ses bâtiments.

La source l'Astrée est légèrement en amont, sur le boulevard qui conduit à l'Hôtel des Roches, le palace de Sail,excelIent établissement, très achalandé, qui surplombe les sources et le village. De la terrasse, on a une vue superbe. Cette terrasse remplace le parc ombragé qui manque à Sail pour y attirer un peu plus de baigneurs ou plutôt des personnes désirant faire une cure de repos. Il y a quelques hôtels secondaires dans Sail même. L'hôtel des Roches, de vieille réputation, était jadis connu uniquement sous le prénom de sa propriétaire : chez Caroline.

La source l'Astrée ne put être exploitée avant la guerre par suite de l'opposition de la Société Laplace et Cie, fermière de l'établissement des Grandes Sources, appartenant à M. Gavell, créateur de la source Astrée. La guerre étant survenue, les bâtiments ne purent être achevés. Actuellement, l'eau de la source Astrée est conduite par une canalisation dans l'établissement des Grandes Sources. Les vastes bâtiments de l'Astrée pourront servir à un établissement de bains, que l'abondance de l'eau minérale permettrait d'alimenter, quel que soit le nombre des baigneurs.

L'Astrée appartient aujourd'hui, avec la Grande Source (ancienne Baron A) et la source Baron (ancienne Baron B), à la Société des Grandes Sources de Couzan, dont j'ai parlé. Cette Société emploie les procédés d'embouteillage de la source d'Apollinaris, en Rhénanie : filtrage avant l'embouteillage, tirage hermétique sous pression de gaz naturel, etc... L'eau est livrée à l'étranger sous le nom de Sanitaris.

La source Bertrand ou de la Baume (établissement Moreau-Bertrand) a un débit moindre que les précédentes.

En résumé, Sail-sous-Couzan est un bon centre d'eaux de table et un diminutif du centre balnéaire d'autrefois, qui ne fut jamais très important. Une cure d'air et de repos à l'hôtel des Roches, assaisonnée de l'eau de Sail, dont le “gratter” est si agréable et dure très longtemps, vaut mieux certainement qu'un séjour dans une station mondaine. Puisque les eaux de Spa et de Sail ont beaucoup d'analogie, il vaut mieux aller à Sail qu'à Spa.

L'eau de Couzan est même beaucoup plus minérale que celle de Spa. Elle a une grande analogie avec les eaux de Giesshubler, que l'on boit à Carlsbad, et le pays est. certainement aussi joli et pittoresque que celui de la célèbre station bohémienne.

Le rapport de l'ingénieur en chef des mines (Conseil général de la Loire, deuxième session ordinaire de 1922, page 272),indique, pour les expéditions des sources de Sail, en 1913 et 1921, les chiffres suivants :


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La suite de l'histoire des eaux minérales de Sail-sous-Couzan racontée par Frédéric SURMELY dans "Les sources minérales oubliées du Massif Central" publié en 2004

    Sail-sous-Couzan était après Saint-Galmier et Vichy, le troisième pôle d'eau minérale dans le Massif Central. La mécanisation avait déjà commencé pour les opérations de rinçage, de remplissage et de bouchage des bouteilles. Grâce à ses investisseurs, l'activité survécut au terrible coup que porta la Première Guerre Mondiale à l'économie du Massif Central. Mais son importance devait se réduire d'année en année devant la pression croissante des centres concurrents de la Loire et de l'Allier. Les sociétés de Sail rechignèrent à réaliser l'ensemble des investissements qui permirent aux autres de mécaniser totalement les chaînes d'embouteillage, tout en faisant de très gros efforts de réclame. A Sail, on travaillait à l'ancienne, confiant dans la qualité du produit, alors qu'ailleurs les exploitants avaient compris que le succès résidait avant tout dans la réduction des coûts et la prospection des marchés ! Après la Seconde Guerre Mondiale, la société "Brault", restée seule en lice, fut absorbée par "Badoit", elle-même mangée par "Evian". En 1978, alors que la rentabilité des eaux minérales de Sail-sous-Couzan avait encore décliné et qu'il fallait songer à renouveler les machines devenues obsolètes, "Evian"  décida de fermer l'installation. Elle fut reprise un temps par la commune, mais l'aventure dura peu. Depuis 1985, la vente des eaux minérales a cessé définitivement à Sail, marquant la fin d'une activité qui avait fait la renommée et la prospérité de la commune pendant un siècle et demi. On imagine aisément le traumatisme !
    Voilà trois ans, la municipalité de Sail-sous-Couzan, s'appuyant sur le "sorcier" Aimé Jacquet, entreprit de faire renaître l'exploitation. L'autorisation fut demandée en 2001 pour la source Brault n° 3, qui sort à l'intérieur des immenses hangars de l'ancienne société "Brault" et alimente la buvette laissée gratuitement à la disposition des habitants. La demande fut instruite par la puissante "Agence française de Sécurité sanitaire". Le comité d'expert a relevé un certain nombre d'anomalies graves, parmi lesquelles la présence de colibacilles due certainement au mauvais état du captage qui entraînait le mélange des eaux minérales avec celles d'une nappe phréatique polluée. Mais surtout, le problème résidait dans la composition même de l'eau minérale qui contient une proportion d'arsenic quatre à six fois supérieure à la norme européenne, et une radioactivité également supérieure aux normes en vigueur. L'agence a donc formulé un avis négatif sur la demande d'exploitation, mais a aussi recommandé d'interdire la fréquentation de la buvettte.
    Ces problèmes pourraient être aisément surmontés, car il existe aujourd'hui des traitements (filtration notamment) qui permettent de se débarrasser des éléments gênants pour la santé, et de se mettre en conformité avec les normes européennes. Reste que ces traitements demandent des investissements, qui s'ajouteraient à ceux nécessaires à l'embouteillage. Il faudrait trouver un généreux mécène ou bien de solides partenaires !

Lien vers l'avis rendu par l'AFSSA  en 2001 sur la source minérale de Sail-sous-Couzan : link : http://www.afssa.fr/Documents/EAUX2001sa0251.pdf

Additif : Depuis la parution du livre de Frédéric Surmely en 2004, l'AFSSA a rendu un nouvel avis en septembre 2004 cette fois-ci positif mais avec un certain nombre de réserves émises. Par ailleurs, le débit de la nouvelle source Brault n°3 est de seulement 1,7 mètres cube par heure alors que le seuil minimum pour qu'une telle exploitation soit viable est généralement estimé à 6 mètres cube par heure. Lien vers l'avis rendu par l'AFSSA en 2004 : link : http://www.afssa.fr/Documents/EAUX2003sa0151.pdf


RENAISON (Loire)

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MONTBRISON (Loire)

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La source minérale de Montbrison sourd à une soixantaine de mètres en amont du boulevard Lachèze, sur la rive droite du ruisseau qui traverse la ville d'est en ouest le Vizezy. D'où son nom Source de la Rivière et celui du « Quai des Eaux Minérales » attribué à la rue qui longe ce ruisseau en direction de la source. Officiellement, c'est une Fontfort, autrement dit une source connue depuis l'antiquité, si proche des limites de Moind, et de composition si voisine des sources de cette dernière localité (bicarbonates de chaux, de magnésie, de soude et chlorures de sodium, de potassium) qu'on lui attribue, non sans raisons, une origine commune. Il est vrai, aussi, que, jadis, le Vizezy, servant de limite naturelle entre Montbrison et Moind, l'actuelle Fontfort de Montbrison, a coulé réellement, pendant longtemps, sur le territoire de Moind. Adolphe Joanne a pratiquement confondu toutes ces sources à la fin du XIXe siècle.

Jamais cette source froide (13°), alcaline, acidulée, inodore, peu riche en acide carbonique, n'a été exploitée industriellement, à ma connaissance. Mais l'usage de son eau, pratiqué de tout temps, ayant été autorisé le 12 décembre 1878, après une analyse de Gruner et une demande de la ville, cette dernière fit creuser un puits carré et élever, sur les bords du Vizezy, une humble maisonnette, où des générations de Montbrisonnais sont allé emplir leurs bouteilles et leurs bonbonnes d'eau pétillante.

Pour faciliter la population, en 1931, le maire, M. Dupin, eut l'heureuse idée de canaliser cette eau jusqu'à l'Hôtel de Ville. Alors on dressa, au centre de l'ancien cloître des Cordeliers, un petit pavillon vitré de distribution, qui prit pompeusement le nom de Source des Cordeliers ». Malheureusement, on n'avait pas prévu qu'au cours de son lent écoulement et du séjour parfois prolongé auquel elle allait être soumise dans les tuyauteries, l'eau perdrait beaucoup des qualités qui lui étaient propres à l'émergence... De plus, quelques années après la dernière guerre, le débit baissa sensiblement à certaines périodes, et la limpidité du liquide laissa quelquefois à désirer à d'autres. Des fuites, d'une part, et des infiltrations d'eaux polluées d'autre part, devaient se produire à travers des fissures occasionnées, dit-on, dans les parois latérales du puits par le bouleversement des proches terrains sur lesquels se sont élevés de grands immeubles. A noter toutefois que, bien avant la construction ou la reconstruction du puits actuel, Gruner a signalé qu'en 1837, des militaires qui avaient fait de l'eau minérale de Montbrison leur boisson habituelle, en furent très fatigués. Bref, en 1958, l'Institut Pasteur en interdit l'usage.

La nouvelle municipalité ne chercha pas à améliorer le captage et jugea plus simple de supprimer la source, de démolir, en 1963, le pavillon de distribution des Cordeliers d'abord, puis, un peu plus tard, la maisonnette du quai. Désormais, l'eau venue des profondeurs se mêle, aussitôt née, au cours de Vizezy qui l'emporte à travers la plaine.


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F
Merci pour l'histoire, je suis de Sail sous Couzan, c'est très intéressant
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S
J'ai beaucoup apprécié cette xcellente étude, très détaillée, de ces sources minérales oubliées de la Loire.<br /> F. Surmely
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